la baule+ Juillet 2023 // 29 chose qui me donne envie de chanter, mais qui surtout ne ressemble pas à ce que j’ai déjà fait. De temps en temps, quand j’ai une idée, parfois je la donne. Mais la plupart du temps, ce sont des auteurs qui arrivent avec leur inspiration et je monte dans le wagon du train qu’ils me proposent. Certes, mais lorsque vous rendez hommage à cette institutrice dans la chanson « Mademoiselle », on a l’impression que c’est un message personnel, tant vous aviez envie d’honorer cette profession… L’idée est de Didier Barbelivien. Il est de ma génération et cela m’a tout de suite rappelé des souvenirs. Cela m’a fait penser à une institutrice que j’ai eue et dont je me souviens encore. Je devais avoir 11 ans... Comme quoi il y a des enseignants qui vous marquent pour la vie. C’est pour cela que c’est un métier tellement important, car nous nous souvenons tous des deux ou trois enseignants qui nous ont touchés plus que les autres. Vous allezmême jusqu’à parler du Brexit… C’est une fable. J’ai beaucoup aimé ce texte. C’est l’histoire d’une Anglaise amoureuse d’un Français,. L’histoire d’amour se termine, c’est très subtil. C’est une sorte de fable géopolitiquement amoureuse. Le climat n’est pas bon en France, les gens sont à bout de nerfs et vous aviez senti les choses en évoquant l’importance de l’école, mais aussi de savoir s’écouter et se parler. Est-ce un résumé de l’album « Terrien » ? Oui, c’est cela. J’ai eu la chance de travailler avec ces auteurs. Je parle beaucoup de mes auteurs, parce qu’il est très difficile de parler de musique. Il est plus facile de parler de textes, car la musique est quelque chose qui se ressent. La chanson, c’est l’alliage du texte et de la musique. C’est vrai, sur cet album, les auteurs, qui sont tous des gens en prise avec leur temps, sont là pour humer l’air du temps. C’est la partie joyeuse de notre métier car, avec de la musique, on peut chanter des choses qui parfois n’ont l’air de rien, mais qui correspondent à l’air du temps. Lorsque j’avais fait une chanson sur la peine de mort, « L’assassin assassiné », Robert Badinter m’avait écrit très gentiment dans une lettre que ma chanson avait fait plus pour la cause que cinquante discours ou des dizaines de conférences... Quand on trouve les mots justes, on a la chance de toucher directement le cœur des gens. Vous êtes l’un des rares artistes à être engagé sans être clivant. Il y en a qui donnent l’impression de donner des leçons de morale, avec une certaine arrogance, mais vous évitez cela… J’ai eu la chance, ce qui était absolument rarissime à l’époque, d’être le produit d’une union, entre mon père et ma mère qui étaient deux personnes de classes sociales différentes. J’ai eu la chance d’avoir dans ma famille des gaullistes et des communistes. Mes parents ont divorcé quand j’étais très jeune et je faisais l’aller-retour entre les deux foyers, où l’ambiance était complètement différente. J’ai été nourri par cela. Le clivage allait même jusqu’au niveau musical. C’est toujours une histoire de femmes. Ma belle-mère n’aimait que la musique classique, ma mère n’aimait que le jazz et la chanson, j’entendais les discours du général de Gaulle, qui faisait bondir mon grand-père qui était communiste et qui lisait l’Humanité... J’ai eu la chance d’être le produit de deux cultures et cela a fait de moi quelqu’un qui s’est toujours trouvé au milieu. C’est la raison pour laquelle j’ai toujours considéré qu’il y avait des gens formidables partout, à partir du moment où ils avaient des convictions et que c’étaient de bonnes personnes sur le plan humain. Pourtant, s’il y avait une machine pour traverser le temps, ces gaullistes et ces communistes seraient probablement aujourd’hui d’accord sur tout : l’autorité de l’État, l’indépendance de la France, la lutte contre la domination de l’économie de marché mondialisée… Absolument ! Moi qui n’étais pas très impliqué au moment de Mai 68, j’ai des copains qui, à cette époque, étaient trotskistes ou maoïstes et qui sont aujourd’hui des gaullistes bon teint... L’autre chance, c’est que l’artiste préféré de ma mère était Georges Brassens. J’ai entendu ses chansons très jeune, sans toujours bien comprendre les paroles au début. Il y en a qui m’ont marqué à vie : par exemple, « Mourir pour des idées, d’accord, mais de mort lente…» Dans votre album « Les Jours heureux », figurent de grands classiques qui sont appréciés de toutes les générations, comme « À bicyclette » ou « Mon manège à moi », mais vous avez aussi des chansons moins connues… Par exemple, « Comme à Ostende », mais c’est le choix du cœur. Ce sont des chansons que j’ai aimées et dont je suis un peu jaloux, parce que j’aurais aimé les inventer et c’est un plaisir pour moi de les interpréter. C’est le choix du cœur. J’en ai essayé plusieurs. Il y a des chansons dont j’aurais aimé qu’elles soient sur l’album, mais mon interprétation n’apportait rien. Il est très difficile de faire des reprises puisque, par définition, personne ne fait mieux que le créateur. C’est un plaisir que je me suis fait et j’espère que cela fera plaisir aux gens aussi. C’est une façon d’expliquer d’où je viens musicalement. C’est quelque chose de très important dans ma formation, mais aussi dans l’idée que je me fais de mon métier aujourd’hui. C’étaient des gens qui passaient leur vie sur scène, c’étaient des gens qui avaient l’obsession d’écrire une bonne chanson et c’étaient des gens qui passaient leur vie sur les routes. C’est très exactement ce que j’ai fait. Propos recueillis par Yannick Urrien.
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