La Baule+

la baule+ 14 // Octobre 2022 People ► Un proche de Pierre Bergé et d’Yves Saint-Laurent raconte les coulisses de ce couple mythique Christophe Girard : « J’ai été à l’école du détail et de l’attention individuelle, j’ai appris ce qu’est le raffinement, le respect des autres et l’amour du beau. » Christophe Girard a frôlé à plusieurs reprises le siège de la rue de Valois. On sait que son réseau dans l’univers artistique, de la mode, du luxe et de la politique est impressionnant. Il a été, pendant deux mandats, adjoint à la culture à la Mairie de Paris, également maire du 4e arrondissement de Paris, et il est toujours conseiller de Paris. Sur le plan professionnel, Christophe Girard a intégré la maison de couture d’Yves Saint-Laurent en 1978 comme secrétaire général. Il a gravi les échelons jusqu’à devenir directeur général adjoint en 1997. Pendant 20 ans, il a travaillé dans un bureau situé entre ceux de Pierre Bergé et Yves Saint Laurent, couple mythique, absolument complémentaire et secret. Parce qu’il travaillait dans ce bureau qui les séparait, il savait très bien tout ce qui les unissait. Il a décidé d’en faire un livre. Christophe Girard a également été directeur de la stratégie mode du groupe LVMH, cofondateur du magazine Têtu, secrétaire général du Sidaction et président de la Fondation American Center. Christophe Girard est aussi résident secondaire à La Baule. Il nous confie que « sa vraie résidence secondaire » est sa cabine de plage jaune, plage Saint-Michel à Batz-sur-Mer, dans laquelle il range son canoë-kayak… C’est en voisin et fidèle lecteur de La Baule+ qu’il a accordé sa première interview à Yannick Urrien dans le studio de Kernews à l’occasion de la sortie de son livre événement sur Yves Saint-Laurent. « La vie selon Saint-Laurent » de Christophe Girard est publié aux Éditions Herscher. La Baule + : Dans le monde entier, lorsque l’on parle de la France, le nom d’Yves Saint-Laurent figure souvent en tête : comment expliquez-vous cela ? Christophe Girard : Je suis d’accord, parce qu’il a de surcroît inscrit son nomgraphiquement, avec un sigle, YSL - aujourd’hui, on dirait un logo - qui avait été dessiné par le grand artiste Cassandre. Lorsque l’on cite Yves Saint-Laurent, c’est la grandeur de la France et ce rêve que la France porte grâce à ses artistes, ses créateurs et ses créatrices. Je pense à toutes ces femmes qui ont accompagné Yves Saint-Laurent, comme Catherine Deneuve qui lui est restée si fidèle et qui est aussi une belle incarnation de la France et d’Yves Saint-Laurent. Il y a d’autres femmes, d’autres artistes, des musiciens, Marguerite Yourcenar, dont il avait fait le costume pour l’entrée à l’Académie française... C’était tout cela, Yves Saint-Laurent. Cela reste dans l’ADN de la France et une fierté à partager. Pour moi, il était temps de transmettre ce que j’ai eu la chance d’observer, en tant que secrétaire général, puis directeur général adjoint. Mais nous étions nombreux. Cela allait des petites mains dans les ateliers de couture, en passant par les différentes personnalités qui faisaient cette entreprise sous la houlette de Pierre Bergé, qui était un patron assez rare. L’époque est à la rapidité, au narcissisme et au voyeurisme Il y a eu des biopics sur Yves Saint-Laurent au cinéma, mais votre témoignage a une autre importance puisque vous avez été vraiment proches. Comment écrire un livre lorsque l’on a été à l’intérieur d’un système, sans trahir des secrets mais tout en souhaitant aussi dévoiler des choses intéressantes auprès des lecteurs ? L’époque est à la rapidité, au narcissisme et au voyeurisme. Mais quand on a la chance, comme moi, d’avoir eu un bureau qui se trouvait à équidistance entre celui d’Yves Saint-Laurent et celui de Pierre Bergé, d’avoir pu travailler avec les deux, de savoir garder les archives, des photographies de nos nombreux voyages en Chine, en Russie, en Australie, au Japon ou aux États-Unis, on peut raconter une histoire dans ce livre historique. C’est un documentaire écrit. Quand on a la chance d’avoir tous ces souvenirs, parfois avec des secrets, on peut révéler des secrets tout en étant respectueux, sans être voyeuriste ou sensationnaliste. Dans le livre, on apprend des choses que l’on ne sait pas, on découvre des traits de caractère, des comportements ou des personnages… C’est un peu maintenant l’histoire de France… Yves Saint-Laurent, c’est un peu l’histoire de France, lui qui est né à Oran, dans l’Algérie française de l’époque, dans une famille bourgeoise. Son père était dans les assurances, sa mère était d’une grande élégance, il avait de très jolies sœurs. Il a d’ailleurs une nièce, Marianne, qui est d’une grande beauté et qui porte bien l’image et les couleurs de son oncle. Les senteurs de son Algérie natale ont-elles influencé son amour pour le Maroc ? A-t-il reporté vers cette terre voisine sa frustration de ne plus pouvoir retourner en Algérie ? Incontestablement, son amour, ses souvenirs, ce qui l’a marqué au plus profond de lui-même, c’était cette lumière absolument inégalable de l’Afrique du Nord. Au Maroc, il a trouvé un raffinement dans les paysages, l’architecture, les jardins, la cuisine, mais aussi les vêtements. Donc, c’est un pays qui a marqué son imaginaire. D’ailleurs, souvent dans les vêtements et les collections de prêt-à-porter et de haute couture, on voyait apparaître un caftan ou une blouse marocaine. C’était un homme de civilisation, puisque le point commun entre la France et le Maroc est qu’il s’agit de deux grandes civilisations, tandis que l’Algérie est un pays plus artificiel… Je ne suis pas un spécialiste de l’Afrique, mais je rêve d’aller en Algérie. On a toujours dit qu’Alger était une ville magnifique et, à Oran, la maison d’Yves Saint-Laurent a été achetée par un privé qui l’a restaurée. Avant de terminer ce livre, je suis allé à l’île d’Oléron parce que je voulais voir la maison natale de Pierre Bergé, l’école que dirigeait sa maman et voir comment ce petit garçon tellement indépendant avait grandi sur une île et combien il avait gardé un esprit insulaire. J’irai un jour en Algérie pour voir où était né Yves Saint-Laurent. Il y a des hommes gays, comme moi d’ailleurs, qui finalement aiment peut-être mieux, ou d’une meilleure manière, les femmes Il a fait les plus belles créations pour les femmes, il

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