la baule+ Avril 2022 // 31 Claude Autant-Lara ou « Les enfants du paradis» de Marcel Carné : on a tellement ces grands acteurs dans notre mémoire, en l’occurrence Raimu et Fernandel pour Marcel Pagnol, que l’on se dit que ce serait forcément moins bien… Il faut être précautionneux. En plus, on n’incarne pas un personnage de fiction, on incarne Marcel Pagnol lui-même. Même pour Nicolas Pagnol, qui gère les droits et la mémoire de son grand-père, ce n’est pas comme si l’on refaisait « La fille du puisatier ». On réincarne son grand-père. On est obligé de suivre un chemin, qui doit être le plus fidèle possible, tout en réservant quelques surprises. C’est pour cette raison que Nicolas m’a bien compris quand je lui ai dit que dans le livre, qui est charmant à lire, il y a quand même certaines choses qui sont un peu lisses. Par exemple, je voulais que les enfants du film commencent à dissimuler leurs petites histoires, en mentant un peu quand c’est nécessaire, et l’on se rend compte que, non seulement les enfants le font, mais les adultes ne sont pas non plus totalement irréprochables. Chacun a ses petits secrets. Le cas le plus flagrant, c’est lamère deMarcel Pagnol, incarnée par Mélanie Doutey, qui est décrite comme une mère absolument formidable, aimante, qui trouve toujours des arrangements avec tout le monde. C’est une mère idéale dans la vie, mais à l’écran cela pouvait manquer un peu d’aspérité. J’ai découvert que l’une des tantes de Marcel Pagnol s’occupait d’une société un peu secrète qui militait en faveur du droit des femmes et j’ai fait en sorte que dans le film elle s’engage pour cette cause très noble. D’ailleurs, son mari la soutiendra quand il découvrira cela. Ce ne sont pas des choses que j’ai créées, puisque c’était disséminé dans l’œuvre de Pagnol, mais j’ai apporté un peu d’eau pour faire pousser tout cela et intégrer ces anecdotes dans « Le temps des secrets », qui est devenu un peu plus complexe au cinéma. Autant il y a des choses très belles quand on lit le livre, autant cela manque de dramaturgie quand on porte cela à l’écran. Heureusement, j’ai reçu une très grande confiance de la part de Nicolas Pagnol, qui savait que cela servait l’œuvre de son grand-père. Mélanie Doutey est admirable dans certains gros plans, avec des expressions fortes sur son visage : si le film était en noir et blanc, j’aurais cru voir Arletty dans un film de Marcel Carné… C’est vrai, il y a un très joli passage : elle vient de surprendre son mari qui a une petite attirance pour la boulangère du village, certes un peu séduisante, mais on est certain qu’il n’y aura aucune histoire d’amour entre eux. Cependant, la femme se sent blessée. Elle se regarde dans la glace, elle se met un chapeau, elle se demande si elle est encore désirable... Ce sont des scènes muettes que Mélanie incarne avec infiniment de grâce et de subtilité. S’il y a une chose dont j’ai la nostalgie, c’est la nostalgie de mon enfance Votre film correspond aux attentes des Français, qui ont envie de se replonger dans leur histoire et dans leurs traditions. On observe que les jeunes sont aussi très curieux et intéressés, qu’il s’agisse des chansons et des films des années 70 ou 80, ou de cette culture d’avant-guerre… On me stigmatise parfois comme étant un nostalgique. Ce n’est pas tellement le retour à la France d’avant. En revanche, s’il y a une chose dont j’ai la nostalgie, c’est la nostalgie de mon enfance. Je vous ai parlé de ma grandmère et, plus je vieillis, plus je repense à elle et plus je repense à mes joies d’enfant. La vie est quelque chose de formidable, mais lorsque l’on commence à avoir l’âge de ses parents et que l’on se dirige vers l’âge de ses grands-parents, on se dit qu’il ne faut surtout pas laisser passer ces petites choses de la vie. Dans Pagnol, tout est décrit. Quand on est enfant, on est innocent ; à l’adolescence, on commence à être un peu plus fourbe ; à la trentaine, on se prend au sérieux... Et plus on vieillit, plus on se déleste de son sérieux pour prendre les choses avec plus de sagesse et de légèreté. Marcel Pagnol nous apprend tout cela, même dans ses films dramatiques. Raimu renie sa fille dans « La fille du puisatier » parce qu’elle a eu un enfant comme une fille-mère, mais lorsqu’il voit son petit-fils, il craque. Soyons un peu tolérants les uns avec les autres. Chacun fait des erreurs et la plus grande preuve d’autorité est de savoir pardonner. Certainement pas de punir. Propos recueillis par Yannick Urrien. COLLECTE, DESTRUCTION ET RECYCLAGE DE VOS ARCHIVES PROFESSIONNELS ET PARTICULIERS Tél. 06 82 94 67 89 - www.classarchiv.fr Leguignac - HERBIGNAC - classarchivdestruction@gmail.com . Gain de place dans vos locaux . Sécurité et confidentialité . Conseils en matière des délais de détention des archives . Remise d’un certificat de destruction
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