La Baule+

la baule+ Avril 2022 // 15 ment dans certaines voies maritimes ou au-dessus de certains grands réseaux de télécommunications sous-marins. Nous avons la possibilité d’être un initiateur de non-alignement en Europe, mais aussi sur l’ensemble de la planète. Dans vos travaux, vous évoquez la puissance des GAFAM : les budgets de ces entreprises sont parfois supérieurs à ceux des États. Elles n’ont pas besoin de lever une armée pour provoquer une révolution dans un pays, elles manipulent l’information, elles font basculer les opinions publiques… C’est une question fondamentale, parce que non seulement il y a les GAFAM, c’est-à-dire le côté américain, mais il y a aussi les BATX, c’est-à-dire les Chinois. C’est la même chose. Les Européens sont totalement démunis. Malheureusement, dans cette affaire, que j’ai eu l’occasion de suivre professionnellement de très près il y a quelques années, nous avons laissé échapper notre possibilité d’être dans ce jeu. Nous en sommes exclus et nous sommes dans une situation de totale vassalisation vis-à-vis des GAFAM et peut-être demain aussi des BATX. Or, la responsabilité des Européens et des Français est complète dans cette affaire. Les choses ont basculé au moment de l’élection de Valéry Giscard d’Estaing, qui a cassé le système. Nous avions à l’époque ce que l’on appelait le Plan Calcul, c’était l’idée développée par le général de Gaulle, poursuivie par Georges Pompidou, qui consistait à créer une industrie européenne de l’informatique, aussi bien pour le calcul que pour la gestion. Nous avions créé en 1974 - il est important de rappeler cela, parce que toutes nos difficultés viennent de là - une entreprise qui s’appelait Unidata, qui associait les industriels français. Et tout a été arrêté brutalement par Valéry Giscard d’Estaing. Il n’a pas eu la vision du futur qui s’imposait. Je précise que si cette affaire n’avait pas été arrêtée, nous aurions aujourd’hui, l’équivalent d’Ariane ou d’Airbus dans le domaine informatique. Donc un Microsoft… Oui. C’est une catastrophe technologique et géopolitique majeure, dont nous supportons aujourd’hui les conséquences. J’ai vu avec beaucoup d’intérêt qu’une petite start-up française de deux personnes était arrivée à des résultats impressionnants sur l’informatique quantique, dépassant la Chine et les États-Unis. Je m’en réjouis beaucoup, parce que nous ne pourrons sortir de cette situation qu’en faisant un saut technologique complet. Je rappelle que nous avions aussi inventé l’Internet. Louis Pouzin s’est vu remettre par la reine d’Angleterre la médaille d’or de la société royale britannique en lui disant qu’il était l’inventeur d’Internet. Une nouvelle version d’Internet C’est aussi un ingénieur français, Christian Huitema, qui est à l’origine de la communication par paquets… Oui. Louis Pouzin vit toujours et il continue de développer une nouvelle version d’Internet parce qu’il estime que le réseau actuel est à bout de souffle. Donc, tout n’est pas perdu, mais il faut une volonté politique et des moyens financiers colossaux. Pourtant, nous n’avons plus de volonté politique, car on raisonne toujours à court terme. Sur la crise sanitaire, les dirigeants politiques expliquent qu’ils ont très bien agi et que les mécontents sont des complotistes d’extrême droite. Ensuite, les programmes présidentiels se résument au règlement des pensions alimentaires des femmes abandonnées : certes, c’est important, mais on est loin de l’époque de Colbert qui voulait faire pousser des forêts pour permettre à la France de construire des bateaux cent ans plus tard… (Suite page 16) Jean-Claude Empereur : « Nous sommes dans une situation de totale vassalisation vis-à-vis des GAFAM et peut-être demain aussi des BATX. »

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