La Baule+

la baule+ 16 // Avril 2022 C’est tout à fait exact, il manque la volonté politique et aussi une vision de long terme. On a perdu le sens du long terme et on a l’impression que les candidats à la présidentielle sont plus candidats à un poste de Premier ministre que de chef de l’État… Les grands problèmes actuels sont l’alimentation, l’énergie et la défense. Dans tous les cas, il faut une vision à cinquante ans ou à cent ans. Nos concitoyens ne se rendent pas compte que c’est le fond du problème et que l’on doit inculquer cela dès le secondaire. Et, pour atteindre un résultat, il faut au moins une vingtaine d’années. Depuis quarante ans, on a abandonné l’idée de long terme, la volonté politique et aussi le sens de l’État. En Chine, on parle du jeu long, les Chinois savent qu’ils ont le temps devant eux… Souveraineté, indépendance ou puissance sont des mots qui font peur ! On nous répète que les leçons de la crise ont été retenues, on nous parle de souveraineté énergétique ou de souveraineté alimentaire, on emploie des mots à la mode, comme résilience qui ne signifie pas grand-chose dans ce contexte… Parce que souveraineté, indépendance ou puissance sont des mots qui font peur! On parle aussi de gouvernance, au lieu de gouvernement, ce qui n’a rien à voir, parce que la gouvernance c’est la gestion, alors que le gouvernement c’est la politique. Ce sont deux choses totalement différentes. Le Premier ministre est un chef de gouvernement, ce n’est pas un chef de gouvernance. Le chef de l’État encore moins. Les mots sont fondamentaux. La position américaine dans le domaine de la souveraineté technologique est extrêmement simple : c’est la domination sur la totalité du spectre Ne pensez-vous pas que dans cinq ans, nous ferons toujours le même constat… Je crains que vous n’ayez raison, je crains que nous n’ayons pas encore totalement compris... Ce sont les crises qui font avancer les choses. On vient d’en subir deux et cela ne suffit peutêtre pas... Les choses évoluent. Il faudrait qu’elles évoluent plus vite, parce que le lancement des grands programmes que nous évoquons, notamment dans les domaines de l’alimentation, de l’énergie et de la défense, sont encore une fois des programmes sur vingt-cinq ans. Sur l’armement, comme le système d’armement de combat aérien du futur, que nous devons faire avec nos amis allemands, cela fait des mois que les choses n’avancent pas beaucoup, alors que c’est un élément fondamental de la défense de l’Europe et de la France. C’est donc un élément fondamental de notre souveraineté. Dans ce domaine, on travaille sur une échéance de cinquante à quatre-vingts ans. Je viens de voir que nos amis allemands viennent de commander le F 35 pour équiper leur armée : cela m’inquiète, parce que je ne vois pas comment on peut concilier leur participation à un projet sur le combat aérien du futur et acquérir sur étagère des avions chez les Américains. Il faut faire attention à ce que l’on dit, mais il y a tout de même une certaine contradiction. Je n’ai pas tous les éléments du dossier et je me garderai d’avoir une position définitive, mais je suis quand même perplexe. La position américaine dans le domaine de la souveraineté technologique est extrêmement simple : c’est la domination sur la totalité du spectre, que ce soit sur les vaccins ou les systèmes de défense, en passant par l’alimentation. Je ne critique pas cette position américaine, les choses sont ce qu’elles sont, mais c’est quelque chose de non négociable chez eux. Il faut maintenant prendre tout ce problème à bras-le-corps. En matière de défense, la défense européenne est un leurre, car pour l’instant c’est l’OTAN et, tant que nous ne nous dégagerons pas de cette emprise, on n’arrivera à rien. Qu’entendez-vous par se dégager de cette emprise ? Il faut distinguer l’alliance atlantique de l’organisation intégrée. L’alliance, c’est un traité de solidarité mutuelle, alors que l’organisation intégrée, c’est un système de commandement américain. Quand Jacques Chirac avait demandé le commandement sud de l’Europe, en Méditerranée, ce qui était la moindre des choses, on l’a renvoyé dans ses buts. Donc, il faut avoir une défense, avec des alliés, comme on le fait traditionnellement dans l’histoire, mais il faut construire une défense autonome. En ce qui concerne la défense européenne, il suffit de voir les déclarations de nos amis allemands, c’est net et sans bavure : ils n’en veulent pas et les Allemands vont mettre 100 milliards de crédits instantanément pour leur défense, c’est plus de deux fois le budget de la Défense nationale française. Le coût de branchement des parcs éoliens est d’environ 100 milliards d’euros Vous évoquez Jacques Chirac qui n’a pas obtenu le commandement sud de l’Europe, mais aussi l’Allemagne qui achète des F 35 américains, et aussi, dans votre livre, le fait que les États-Unis font toujours payer très cher à la France chaque ultime sursaut gaullien d’indépendance. J’observe que chaque fois que nous manifestons notre indépendance, comme ce fut le cas au moment de l’Irak, les États-Unis nous donnent des coups de bâton. Or, lorsque nous sommes les toutous des Américains, nous n’avons rien, car nos alliés vont acheter des avions chez les Américains qui, dans le même temps, nous empêchent de vendre nos sous-marins aux Australiens… Ainsi, nous n’avons rien à gagner à rester ces toutous… Sûrement pas. Encore fautil qu’il y ait des responsables politiques qui expliquent clairement cela. Cela ne Jean-Claude Empereur : « Nos amis allemands viennent de commander le F 35 pour équiper leur armée : je ne vois pas comment on peut concilier leur participation à un projet sur le combat aérien du futur et acquérir sur étagère des avions chez les Américains.» veut pas dire que les Américains sont des ennemis, ce sont des partenaires, mais il n’y a aucune raison de ne pas faire notre effort nousmêmes. On nous explique qu’il n’y a plus d’argent. Dans une analyse récente, j’ai vu que le coût de branchement des parcs éoliens est d’environ 100 milliards d’euros, je parle simplement du branchement au réseau électrique normal! Rendez-vous compte de ce que cela représente si ces 100 milliards étaient affectés à d’autres choses. Il faudrait discuter de ces grandes masses, plutôt que d’avoir des discussions qui sont plus de l’ordre d’un Conseil général ou d’un Conseil départemental. Malheureusement, les occasions ne sont jamais suivies, d’où mon pessimisme. Pornichet : j’ai pris le parti de ne jamais intervenir. J’ai de très bonnes relations avec Jean-Claude Pelleteur Pour terminer cet entretien, revenons à l’échelon local. Continuez-vous de suivre l’actualité de Pornichet ? Oui, je continue de suivre l’actualité de Pornichet, cela m’intéresse toujours. Mais j’ai pris le parti de ne jamais intervenir. J’ai de très bonnes relations avec Jean-Claude Pelleteur. Je vois ce qui se passe sur le bord de mer, c’est une nécessité, il faut refaire ce que je continue d’appeler le remblai, parce que c’est un terme historique. Il y a aussi les travaux sur la place du marché. Donc, cela continue d’évoluer. Propos recueillis par Yannick Urrien.

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