la baule+ Août 2022 // 27 Il est certain que quand on crève de faim, on va plus travailler que quand on ne crève pas de faim ! En l’occurrence, la « grande démission» ne touche pas que les CSP + et les bourgeois des villes. On n’arrive plus à recruter des camionneurs, des serveurs ou des professeurs… Pour l’instant, le frigo n’est pas vide et c’est pour cela que des gens se permettent de faire la fine bouche. Tout cela est beaucoup lié au Covid. Les gens sont restés enfermés chez eux, ils se sont posés plein de questions, il y a eu beaucoup de reconversions professionnelles, il y a eu beaucoup de remises en question… J’espère que c’est transitoire, sinon je ne donne pas cher de l’économie française dans quelques années. D’ailleurs, cela ne touche pas que la France, car le phénomène est terrible aux États-Unis. Évoquons maintenant votre métier. Ne sommes-nous pas dans un grand rêve, car on sait qu’il est difficile de fonder une start-up ? Beaucoup de gens ont le sentiment, après avoir créé une application, que tout sera facile… On voit de nombreux entrepreneurs lancer une application en s’imaginant que le succès sera au rendez-vous, parce qu’ils ont obtenu quelques partages sur les réseaux sociaux. Qu’en pensez-vous ? Il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus, mais il faut être à l’aise avec ce principe. Une grande majorité des start-up vont disparaître et il faut accepter cela. L’innovation, c’est la cerise sur le gâteau. Une start-up, c’est d’abord une entreprise, c’est ce qu’oublient une majorité des entrepreneurs qui créent des choses qui n’ont pas vraiment d’utilité. Finalement, on se moque de l’innovation: il faut d’abord créer une entité qui ait pour but de faire du chiffre d’affaires et ne pas perdre d’argent. Si l’entreprise est innovante, tant mieux, elle prendra des parts de marché plus rapidement. Beaucoup d’entrepreneurs pensent qu’une start-up n’est pas tenue par les mêmes règles économiques que les entreprises traditionnelles, or c’est faux. Ils doivent comprendre que l’entreprise doit faire du chiffre d’affaires et avoir un équilibre financier. Souvent, quand un entrepreneur crée une application, il ne pense pas au chiffre d’affaires. Or, ce n’est pas la bonne manière de procéder car, un an plus tard, il se retrouve à patauger avec une application qui n’est utilisée par personne. Les projets foireux sont un peu légion, mais c’est la règle du jeu. C’est le marché qui décide de l’utilité d’une application. Toutefois, il y a aussi beaucoup de startup qui permettent à la France de tenir son rang parmi les grandes nations. Les startup, ce ne sont pas simplement des applications, c’est de l’intelligence artificielle, de la robotique, des drones, du logiciel, du cloud… Tous les secteurs sont touchés et il est essentiel qu’il y ait beaucoup de créateurs d’entreprise qui se lancent. Si on laisse notre économie ouverte à tous les vents, face à des GAFAM monstrueux, on va se faire manger Comment peut-on être une nation performante, face à la distorsion de concurrence qui n’a jamais aussi été forte dans l’histoire de l’humanité ? Je vais être plus précis dans ma question. Si vous voulez créer une marque automobile, vous allez devoir affronter la concurrence des géants du secteur, comme Toyota ou Stellantis. Si vous voulez créer un nouveau groupe de distribution, vous serez confronté à des groupes comme Leclerc ou Casino. Or, l’écart en termes de technologie et de mainmise sur le marché sera moindre que si vous voulez créer une startup face aux GAFAM. Quel est votre avis ? Déjà, les GAFAM ne sont pas encore présents sur tous les secteurs économiques mais, c’est vrai, Amazon va même jusqu’à lancer des fusées dans l’espace… Derrière votre question, il y a celle du rachat puisque, quand on crée une start-up, il y a la perspective de la revente. Il faut que ces entreprises restent en France ou qu’elles soient rachetées par des entreprises françaises. Effectivement, on voit que ce sont des groupes américains qui rachètent la majorité de nos entreprises. Les GAFAM sont incontournables sur de nombreux secteurs. Mais je ne suis pas défaitiste, car si les pouvoirs publics font ce qu’il faut en termes de protectionnisme économique, cela peut être efficace. Mais si on laisse notre économie ouverte à tous les vents, dans la simple loi du marché, face à des GAFAM monstrueux, on va se faire manger. Vous évoquez la perspective de la revente. Tous les grands créateurs, comme Francis Bouygues, Marcel Dassault, François Pinault, Vincent Bolloré ou Marcel Bleustein-Blanchet ont d’abord fondé leur entreprise pour la développer, s’étendre dans d’autres métiers, mais pas avec l’objectif de la revendre… Il y a un côté ruée vers l’or dans la start-up nation, c’est pour cela que cela attire autant d’entrepreneurs. Il ne faut pas se laisser enivrer par le parfum de l’argent facile. Il ne faut pas croire que tout le monde ressort avec des gros chèques à la fin. En effet, il y a une différence philosophique entre les entrepreneurs d’aujourd’hui et ceux que vous évoquez. Lorsque Monsieur Ford a créé Ford, l’investissement dans les entreprises n’existait pas. Aujourd’hui, on sait qu’il y a des business angels qui peuvent investir de l’argent et qu’il y a ensuite des fonds d’investissement qui pourront prendre le relais. Si les choses se passent bien, la boîte peut être rachetée par un fonds de private equity, elle peut ensuite aller en bourse… Toutes ces choses étaient inimaginables il y a cent ans. Cela pose la question de la philosophie entrepreneuriale. Si tous nos entrepreneurs créent des entreprises pour les revendre trois ans plus tard, cela peut créer des problèmes, sauf si ces entreprises sont rachetées par des groupes français. Si une start-up française qui fait des drones se vend à Dassault, cela ne me pose pas de problème. Le cœur du problème est de savoir qui rachète toutes ces entreprises... Il commence à y avoir un mouvement de ras-le-bol chez les investisseurs, car beaucoup de startup ne vivent qu’en faisant des levées de fonds successives. Est-il exact que les investisseurs demandent de plus en plus des preuves de concept dès l’amorçage ? Nous avons toujours eu des critères de sélection assez transparents. On ne sélectionne pas de start-up qui n’ont pas déjà une première attraction commerciale, donc des premiers clients. Il y a des investisseurs qui n’investissent jamais dans des boîtes qui vont perdre de l’argent trop longtemps et il y en a d’autres qui investissent à fonds perdus dans des boîtes qui ne seront pas rentables avant quinze ans. Les philosophies sont différentes. Notre philosophie a toujours été de financer des boîtes qui seront à l’équilibre à moyen terme. Effectivement, il y a une tendance à serrer les boulons qui se développe chez les investisseurs, qui avaient tendance à ne pas trop regarder cela. La station ne fait que s’améliorer et je prends de plus en plus de plaisir à venir à La Baule Vous venez souvent à La Baule : pensez-vous travailler un jour au pays des vacances ? Je suis Baulois de cœur, j’habite à Paris et le siège d’Angelsquare est à Paris. Je viens à La Baule depuis que je suis tout petit. La station ne fait que s’améliorer et je prends de plus en plus de plaisir à venir à La Baule, d’autant plus que maintenant je suis père de famille. Je me rends compte à quel point cette ville est agréable pour les familles. En ce qui concerne le télétravail à La Baule, si j’ai mon fils de deux ans à côté de moi, c’est un peu compliqué. Je n’ai pas de crèche ou de nounou à La Baule... Alors, il faudrait davantage de nounous et de crèches à La Baule… Exactement ! Propos recueillis par Yannick Urrien.
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