La Baule+

la baule+ 26 | Avril 2024 Didier Barbelivien : « Il y a des êtres humains qui vivent sans n’avoir jamais connu un sentiment amoureux qui les emporte. » Didier Barbelivien, célèbre auteur-compositeur-interprète, explore les méandres de l’amour dans son nouveau livre. Il y évoque également son attachement à la presqu’île guérandaise et annonce qu’il sera en concert au Parc des Dryades le 13 juillet prochain. « La seule façon d’aimer » de Didier Barbelivien est publié chez Fayard. Littérature ► Le roi des tubes publie un roman d’amour… La Baule+ : Est-ce la première fois que vous publiez un roman ? Pourquoi un roman d’amour ? Didier Barbelivien : J’avais écrit un roman en 1990. C’est vrai, je ne suis pas un habitué du genre, puisqu’il s’est écoulé 34 ans entre les deux... J’ai été touché lorsque j’ai eu cette idée, l’histoire de ces personnages est très complexe, alors j’ai décidé de me lancer. On constate que la force des émotions, à la lecture d’un livre, est supérieure à celle générée par le cinéma… Oui. J’essaie de traiter chaque chapitre et chaque personnage comme un rouage essentiel. Il n’y a pas de personnages qui ne soient pas essentiels. Imaginons un film dont la première partie rappellerait l’univers de Claude Chabrol, tandis que la seconde concernerait davantage Claude Lelouch… C’est vrai, il y a cet univers un peu bourgeois dans la première partie, notamment la façon dont l’héroïne a été élevée. On parle de Jeanne Danicourt, alors que dans la seconde partie on parle de Jennifer Jones. Au début du roman, on comprend que c’est la même personne. C’est Jeanne Danicourt, son vrai nom, mais c’est aussi une star qui s’appelle Jennifer Jones. Quand elle s’installe dans l’avion, elle s’enferme un quart d’heure pour se maquiller et c’est Jennifer qui sort des toilettes. J’ai personnellement assisté à cette scène et tout est vrai, avec une actrice extrêmement célèbre : je m’assois à côté d’elle, je ne la calcule pas, elle se lève, elle reste un moment aux toilettes et, quand elle revient, je suis bluffé. Évoquons maintenant l’amour qui s’inscrit au centre de votre livre… Je me rends compte a posteriori de certaines choses. L’amour a changé ma vie. J’étais un enfant et un adolescent difficile. Je n’aimais pas ma vie, je n’aimais pas mon enfance, j’étais plus que rebelle. Un jour, lorsque j’avais 14 ans, je suis tombé amoureux, avec énormément de sentiments. Le cœur battant, j’ai découvert l’émotion et je suis devenu sensible. L’amour a permis de m’émanciper. Votre héroïne, Jeanne, est donc issue d’un milieu bourgeois. Elle a 16 ans et elle a une liaison avec son professeur qui a une quarantaine d’années. Elle est éperdument amoureuse de lui. Ses parents portent plainte et il est condamné à de la prison. Ils se perdent de vue pendant des années. Jeanne devient une star internationale, mais elle reste toujours aussi éprise. Certains vont vous dire que ce n’est pas crédible… Vous avez raison, cela peut ne pas être crédible, mais c’est la vie ! Il m’est arrivé d’aimer longtemps quelqu’un que je ne voyais plus. Elle n’était plus dans ma vie, mais elle était dans ma tête. La disparition de l’émotion humaine est catastrophique J’ai émis cette réflexion parce qu’à longueur de temps, sur les réseaux sociaux ou dans la presse, on s’évertue à nous expliquer que l’amour n’existe pas et que ce n’est finalement qu’une question d’argent, de sexe ou d’intérêt… C’est triste, mais c’est vrai, on lit cela. Je viens de lire un article sur l’intelligence artificielle et c’est effrayant ! J’essaie d’éduquer mes filles, avec leur mère, dans la réalité des choses, mais il n’est pas certain que la future génération ne soit pas amoureuse d’un avatar. La disparition de l’émotion humaine est catastrophique, car les gens vont se priver d’un plaisir qu’ils ne connaissent pas. Que pensez-vous de cette récente étude sur la forte baisse de la pratique sexuelle des jeunes Français ? Cela m’a passionné, j’ai lu cette enquête. Ce n’est pas que la pratique sexuelle était débridée quand j’avais 15 ans, au contraire, mais il y avait une pudeur et des règles. C’était compliqué et l’on n’avait pas d’indépendance financière. L’éducation était plus stricte. J’ai connu l’époque où prendre la main d’une fille, ou l’embrasser, c’était un événement dans notre vie. Cela a changé ma vie, parce que j’étais quelqu’un qui n’avait pas de sentiments. Même la tendresse ne me concernait pas. Donc, je ne parle même pas de l’amour. N’est-ce pas propre à tous les adolescents à un certain moment ? Oui, mais cela dépend du degré. J’étais relativement indifférent vis-à-vis des êtres humains et j’avais des rapports difficiles avec ma mère. Cela me laissait dans un vide sentimental abyssal. Je ne comprenais pas pourquoi ma vie était ainsi. Le débat a tendance à disparaître et, être différent, c’est être marginalisé Le déni des sentiments s’observe aussi dans l’approche de la vie quotidienne, sur tous les sujets : si vous n’êtes pas dans la doxa, que ce soit sur des questions de santé, de climat ou de politique étrangère, vos interlocuteurs se figent… Oui, il faut être dans la ligne. Vous n’avez plus le droit d’avoir un avis contradictoire face à l’opinion ambiante, si possible donnée par quelques maîtres à penser qui sont complètement idéologisés. J’ai connu cela toute ma vie. Je suis né en 1954 et j’avais 14 ans en 1968. Les années d’après ont été un peu

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