la baule+ Juin 2023 // 23 l’anti-Libé par excellence. Il ne faut pas oublier que le journal Libération a titré le lundi de sa mort «Claude François a volté ». Il y a derrière ce titre quelque chose de très politique qu’il faut expliquer. La gauche a perdu les élections législatives le dimanche 12 mars 1978, et les gens de Libé - comme tous ces universitaires qui savent tout et qui donnent des leçons de morale à tout le monde - ont voulu se venger d’une façon un peu minable. Un chanteur est mort, ils ne l’aiment pas, ils lancent une grosse vanne... C’est aussi une manière pour eux de se venger de la défaite des législatives. Il faut aussi savoir que dès que Claude François faisait des chansons intelligentes, cela ne passait jamais la ligne Maginot de l’ascension médiatique. C’était inacceptable pour l’intelligentsia. Regardez le film «Podium » : le sosie qui fait Claude François est réhabilité en retrouvant son statut de père et de mari, parce qu’il abandonne le monde de Claude François, selon l’écrivain et cinéaste Yann Moix, un monde de pauvres gens, celui de la France profonde que l’on méprise, et le sosie est donc réhabilité en allant vers l’univers de Julien Clerc. Il y a toute une symbolique politique derrière, car Julien Clerc est le symbole de l’ouverture, de la bien-pensance et du lien social. Cette mentalité est absolument insupportable ! Je crois qu’à la fin, il aurait laissé tomber les affaires et qu’il aurait sans doute confié cela à quelqu’un comme Alain Dominique Perrin Aujourd’hui, 45 ans après sa disparition, tout le monde connaît Claude François, même les jeunes d’une vingtaine d’années. Comment expliquez-vous qu’il soit ainsi entré dans la légende ? C’est comme pour une bonne paire de chaussures: la qualité dure longtemps ! C’est la transmission d’un mythe. On le voit danser avec les Clodettes, cela le dessert dans certaines sphères encore aujourd’hui, parce que c’est le type avec des paillettes. Mais il a aussi fait de très grandes chansons qui sont souvent occultées, notamment au milieu des années 60. C’est un nom qui sonne, c’est une marque qui reste, et puis il y a aussi l’emblème de Flèche, sa maison de disques. Il y en ce moment des remix qui sortent et le sigle reste. Il a voulu être homme d’affaires, avec une maison de disques, une agence de mannequins, des parfums et des journaux, pour prouver à la société qu’il pouvait être autre chose. Il se sentait tellement mal aimé et méprisé par l’intelligentsia, qu’il a voulu prouver qu’il était capable de faire autre chose. À la fin, les collaborateurs de Claude me disaient : « Il doit faire attention, parce qu’il dépense un argent fou dans ses concerts… » Claude voulait faire plaisir à son public, ce n’était pas un homme d’affaires exceptionnel. C’était un artiste, il avait la musique dans le sang. Je crois qu’à la fin, il aurait laissé tomber les affaires et qu’il aurait sans doute confié cela à quelqu’un comme Alain Dominique Perrin qui a été le PDG de Cartier. Propos recueillis par Yannick Urrien.
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