la baule+ Avril 2023 // 25 der à sa population d’aller à pied, vers le Sud, pour bien montrer que le Sud marocain était marocain. Parallèlement, il a demandé l’aide de la France pour ses armées. Nous avons vendu près de 500 camions militaires au Maroc, puis ensuite à la gendarmerie marocaine. Le Maroc était probablement notre plus gros client pour ces véhicules, et le plus fidèle aussi. Par ailleurs, il y a eu des contrats ratés, notamment avec l’Irak, au moment de la guerre contre l’Iran… C’est folklorique, c’était à la suite d’une rencontre avec un personnage connu, Charles de Chambrun… Il étaitministre du général de Gaulle, membre du RPR, avant de finir au Front national… Oui. Il nous a expliqué qu’il avait de bonnes relations avec Saddam Hussein, que nous pourrions rencontrer un général chargé des achats de matériel et qu’il suffirait d’aller à l’aéroport de Bagdad, où l’on nous attendrait: « Ne vous inquiétez pas, vous allez rencontrer toutes les personnalités… » Nous sommes arrivés à Bagdad en pleine nuit. Tout était éteint, parce que c’était la guerre. C’était une guerre difficile, avec l’occupation du Sud par les Iraniens, et nous n’étions finalement pas attendus. Nous avons atterri dans un hôtel un peu moche et le lendemain j’ai fait de mon mieux pour essayer d’avoir un rendez-vous. Nous avons obtenu un rendez-vous avec un colonel qui semblait être des renseignements généraux, donc il n’avait aucun pouvoir, mais il voulait savoir si nous ne venions pas faire de l’espionnage à Bagdad, parce que c’était un pays sous haute surveillance. Il s’est rendu compte que nous étions de bonne foi. Nous lui avons montré nos catalogues et, comme il ne s’est rien passé, nous sommes repartis sans avoir vendu le moindre camion à l’Irak... À l’inverse, nous avons vendu des camions en Arabie saoudite au moment où Saddam Hussein a attaqué le Koweït en envoyant contre l’Arabie saoudite des scuds, qui tombaient dans l’eau parce que les Irakiens ne savaient pas les guider... Tout cela vous a conféré une vision géopolitique incroyable et une capacité de tolérance… J’étais aussi devenu un spécialiste de l’Afrique anglophone. J’ai vendu des camions au Ghana et au Zimbabwe, avec un très beau contrat. C’était un pays remarquable, malheureusement dirigé par un fou, en l’occurrence Mugabe, qui a ruiné son pays. J’ai aussi été en Libye et un peu en Amérique latine, au Venezuela notamment, mais cela a été un échec en raison de la corruption de ce pays. Finalement, c’est au Moyen-Orient et en Afrique que nous avons le plus réalisé d’affaires et de contrats. J’ai beaucoup aimé l’Afrique. Mais cela a beaucoup changé aujourd’hui. Les Français ne sont plus les bienvenus comme à l’époque et la situation n’a pas évolué dans le bon sens. Ce qui était formidable, c’est que l’on parlait français, notamment au Cameroun. J’ai de très bons souvenirs. Tous ces pays nous réservaient un accueil extrêmement chaleureux. Cela vous amène-t-il à essayer de comprendre les conflits en vous mettant dans la peau des protagonistes sans porter un regard manichéen ? Je ne suis pas du tout manichéen. Je ne pense pas qu’il y ait le bien d’un côté et le mal de l’autre. Il faut acquérir de l’expérience en étant indulgent. Il n’est pas toujours facile de diriger un pays, sur le plan économique, social ou environnemental. Quand on a beaucoup voyagé, en fréquentant beaucoup de chefs d’État et d’hommes puissants, on acquiert une certaine philosophie et surtout beaucoup de tolérance à leur égard. Cela donne une tournure d’esprit, une expérience et une forme de tolérance. J’aime la France, j’aime La Baule, j’aime cette France qui a parfois le sentiment d’être abandonnée. J’ai eu la chance d’être maire dans une région extraordinaire. Ségolène Royal, elle m’a pourri mon dernier mandat Enfin, en politique intérieure, vous citez Ségolène Royal qui vous a déçu… Elle n’a pas fait preuve de beaucoup de tolérance, Ségolène Royal, elle m’a pourri mon dernier mandat avec l’histoire du décret plage! Le décret plage avait été signé par Dominique de Villepin, Nicolas Sarkozy et Roselyne Bachelot, mais il n’a pas été appliqué à La Baule. Il y avait une forme de tolérance, ce qui a permis aux établissements de plage de se développer. Mais quand Ségolène Royal est devenue ministre de l’Écologie, elle a décidé de manière abrupte, sous la pression de différentes associations environnementales, d’appliquer ce décret dans les trois mois qui venaient, avec le démontage de l’ensemble des établissements de plage. Elle voulait une plage sans aucun établissement pour le mois de décembre de cette année-là. C’était une catastrophe. Entre lancer des consultations pour accorder des concessions, démonter les établissements, les remonter, obtenir des permis de construire conformes, on perdait presque deux ans, c’est-à-dire au moins deux saisons. J’ai demandé des délais à Ségolène Royal. Elle ne m’a jamais reçu et je n’ai jamais pu obtenir de délais. J’ai été sauvé par les élections... Finalement, Emmanuel Macron a été élu. Édouard Philippe, que je connaissais bien, m’a permis d’avoir une préfète beaucoup plus à l’écoute et qui nous a donné des délais pour réussir ce changement des établissements de plage. Propos recueillis par Yannick Urrien.
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