La Baule+

la baule+ Septembre 2022 // 21 Humeur ► Le billet de Dominique Labarrière La civilisation nouvelle est avancée… Tandis que, dans le propos liminaire du conseil des ministres, Sir Winston Macron, prêchant efforts et sacrifices, s’offrait une adaptation du fameux « Je n’ai à offrir que du sang, du labeur, des larmes et de la sueur », on pouvait voir, sur sa gauche, à la grande table, le ministre de l’Éducation nationale, tête abandonnée sur le poing fermé, tracer des lignes d’écriture. On imaginait qu’il prenait des notes afin de ne rien perdre du verbe présidentiel. Il n’en est rien. En fait, accablé - d’où le tuteur du poing pour soutenir le chef - il tentait de rédiger les petites annonces de recrutement à faire passer dans le Bon Coin. « Recherche individu, de préférence non genré, censé savoir écrire et lire pour enseigner toutes disciplines à tous niveaux, de la maternelle à la terminale. Aucune expérience exigée. Rémunération aussi allégée que le programme. » Car, dans le même mouvement d’écriture, notre homme traçait les grandes lignes des modifications programmatiques qu’exige désormais l’évolution de notre société telle que la conçoivent nos élites nouveau genre. C’est qu’il ne faudrait pas être à la traîne dans le grand mouvement de wokisation auquel elles s’empressent de faire allégeance de peur, comme toujours, de paraître en retard d’une modernité de salon. Le principe qui devrait présider à la refonte de ces programmes scolaires s’annonce des plus simples. Il s’agirait d’en bannir toute référence aux inventions, productions, créations, découvertes et hauts faits imputables, directement ou indirectement, à un ou plusieurs mâles blancs (l’hétérosexualité constituant, on s’en doute, une circonstance aggravante.) Évidemment, on en conviendra sans peine, cela adoucirait de beaucoup la charge éducative. C’est alors que les critères de recrutement tels que présentés dans l’annonce destinée au Bon Coin trouveraient leur pleine cohérence, tant il est vrai qu’enseigner l’ignorance ne requiert aucun savoir particulier. Je laisse à chacun le soin d’établir sa liste de glorieux exclus, d’Euclide à Einstein, de Platon à Kant, de Mozart aux Beatles, de Molière à Anouilh, de Hugo à Steinbeck, de Fellini aux Audiard père et fils, de Pascal à Cioran, de Colbert à Clemenceau (pour ne citer que des noms qui me viennent à l’instant). Liste quasi infinie, on le voit. Infinie aussi celle des œuvres patrimoniales à reléguer dans le néant. Sur la scène de la Comédie française, par exemple, plutôt qu’Hernani on donnera la Cage aux folles, considérablement moins transphobe. Là encore, je laisse à chacun le bonheur de dresser son inventaire. On pouvait espérer que notre Jeanne d’Arc qui, de paisible bergère se mua en chef de guerre en armure, échapperait à l’hécatombe, qu’on la célébrerait en tant qu’héroïne historique du transgenre. Hélas, espérance déçue. Il aurait fallu, pour bien faire selon le dogme wokiste, qu’elle transmute en sens inverse, de fier guerrier à gentille bergère, de mâle dominant à victime dominée. Forcément dominée. Là, on aurait pavoisé. Il n’empêche, tout cela ferait évidemment un grand vide. Pendant que nous y sommes, il nous faudrait veiller à réviser aussi la classification des différentes étapes de l’évolution humaine. Pas question de continuer à honorer l’homo du qualificatif flatteur de sapiens. Bien trop discriminant à l’encontre de l’autre sexe (de tous les autres sexes, pardon...) De l’homo, on ne retiendra donc que l’erectus. Erectus, donc violeur ! Nous y voilà ! « On ne peut exclure que tout homme soit un violeur potentiel », peut-on lire dans la prose d’un collectif d’étudiant(es) de Normal Sup’ réclamant l’interdiction de certains endroits du prestigieux établissement aux élèves mâles. Infamante suspicion, pathétique stigmatisation qui, apparemment, n’émeut personne, comme si l’association homme-violeur, relevant d’une réalité immémoriale dûment établie, documentée, prouvée scientifiquement, devait aller de soi. Soudain, je tressaille. Ne me sentant pas, si peu que ce soit, violeur potentiel, je m’interroge : suis-je un homme? Une sourde angoisse m’étreint, comprenez-vous... Cela dit, quand on pense que ces inepties, ces absurdités, ces scories d’un obscurantisme militant nous viennent de Normal Sup’, de l’élite en devenir, du nec plus ultra de l’intelligentsia post pubère, les bras nous en tombent. Toutefois, on se consolera un brin en se disant que, décidément, la sottise demeure la chose du monde la mieux partagée. De surcroît, étant parfaitement asexuée et non racisée, elle a tout pour constituer la base fondatrice d’une civilisation toute nouvelle. On en rêve ! Retrouvez Dominique Labarrière sur Kernews entre 6h30 et 7h ou entre et 8h15 et 8h45 du lundi au vendredi

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