La Baule+

la baule+ Juin 2022 // 29 Il ne faut pas oublier l’effet de la démocratie et l’influence des démagogues qui entrent dans l’arène du cirque… C’est aussi une thérapie du discours. Vous allez voir que nous sommes très proches de notre situation, puisque Socrate désigne trois cibles. D’abord, le discours du démagogue qui flatte toujours le peuple dans le sens du poil pour l’amener à ses fins. Ensuite, le discours des sophistes qui pérorent, quel que soit le sujet et, donc, la forme prévaut sur le fond. Enfin, il y a le discours des poètes. Ce ne sont pas les mêmes poètes qu’aujourd’hui, ce sont des gens qui parlaient devant des milliers de personnes et qui déclenchaient des émotions. Bien entendu, ils se faisaient payer assez grassement. Tout cela sape la démocratie athénienne selon Socrate. Il y a une unité chez Socrate et Platon, entre l’homme, l’âme, l’individu et le citoyen. Il s’agit aussi de se guérir de ces influences qui essayent absolument de venir récupérer notre temps de cerveau disponible. Il est nécessaire d’avoir une analyse permanente des discours, mais c’est difficile parce que nous sommes faibles. Il est toujours difficile de penser par soi-même et de penser contre les autres. Nous sommes en démocratie, l’échange des opinions est important, personne n’a la vérité, il faut un débat. L’époque de Socrate ressemble à la nôtre. Athènes sort d’une épidémie, des guerres du Péloponnèse, et la ville qui a inventé la démocratie passe par un épisode de dictature. C’est traumatisant. 30 ans plus tard, les cités basculent et disparaissent. Donc, Socrate parle sur un fond de crise, un peu comme notre époque. Il essaye de penser à une cité différente et plus juste. Il dit qu’il ne faut pas écouter ceux qui estiment que l’injustice est préférable parce que c’est la loi du plus fort, mais l’homme associe en lui le monstre des désirs. Le lion et l’homme sont malaxés dans la République et ils prennent la place d’un être humain. Pourtant, il faut faire une place au petit homme en faisant en sorte que les autres parties ne se dévorent pas les unes les autres. C’est valable pour l’individu, qui doit travailler sur ses désirs, ce qui ne signifie pas les réprimer, parce que Socrate n’était pas un puritain. Il avait deux femmes, il levait le coude très facilement et il a dû avoir des amants comme tous les hommes grecs de l’époque. Il faut canaliser ses désirs, comme ses passions politiques. Je pense que c’est un cadre qui peut nous permettre d’organiser notre réflexion aujourd’hui. (Suite page 30) Jean-Louis Cianni : «Il s’agit de se guérir de ces influences qui essayent absolument de venir récupérer notre temps de cerveau disponible. »

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