la baule+ Janvier 2022 // 15 Parce qu’on leur a filé un cancer dans la main : c’est le téléphone portable ! Ils ont l’impression, en donnant leur avis sur un réseau social, d’avoir du poids et de l’importance. Donc, ils ne vont pas aller dans la rue, parce qu’ils risquent de prendre des coups de matraque. C’est facile de dire «Macron est un con » sur un truc anonyme… Mais les mêmes n’ont pas les couilles pour aller se sacrifier en allant dans la rue. On est dans un monde virtuel, tout le monde vit par rapport à des écrans, alors que moi je refuse cela et je suis dans le vrai avec les autres le plus possible. Évidemment, j’ai un portable. Au début, je ne voulais pas en avoir... Mais maintenant, la première chose que je fais le matin en me levant, c’est regarder mon portable, comme tout le monde. Or on ne peut pas faire avancer les choses en faisant de la philosophie sur son portable. Je me contente d’expliquer aux gens qu’ils ne pourront pas changer le monde et qu’ils doivent se contenter de fabriquer le leur. J’ai fabriqué mon monde avec des gens bienveillants, avec des gens qui ne sont pas méchants, on fait avec, on est obligé de subir et on partage de bons moments le plus souvent possible. Il y a quelques mois à La Baule, j’ai fait un truc incroyable, je suis allé dans un mariage alors que je n’étais pas invité, tout simplement pour faire plaisir aux gens. Ce n’était pas prévu, ce n’était pas prémédité, cela leur a fait plaisir, mais cela m’a fait plaisir aussi, c’était un acte gratuit. Je fais tous les jours des actes gratuits. Je suis capable de raconter ma vie à un gars que je vais croiser dans la rue et que je ne reverrai jamais. Cela s’appelle faire preuve d’humanisme, c’est-à-dire considérer que l’humain a plus d’importance que le reste. On s’est beaucoup moqué de moi pour cela, tu ne peux pas savoir ! Cela m’a même coûté ma place à la télévision, avec des gens réducteurs qui me réduisent aux serviettes et aux sardines. Je suis très fier des sardines, mais je suis aussi le seul mec qui ait remporté trois fois «Questions pour un champion » ! Donc, quand je me fais traiter d’abruti à cause des sardines, il n’y a rien de plus jouissif que de se faire traiter de con par des gens qui le sont encore plus ! Tu incarnes l’image d’une France profonde et sincère pour beaucoup de Français… Je ne suis pas conscient de cela. Dans ma tête, je suis toujours un petit bâtard et j’ai du mal à comprendre cela. Pour moi, Alain Delon incarne quelque chose, Jean-Paul Belmondo incarnait quelque chose, Louis de Funès aussi… Quand Louis de Funès est venu me voir, c’était fantastique, personne ne peut imaginer ce qu’il pouvait représenter pour moi. J’essaye toujours de ne jamais me couper de mes racines, en côtoyant des gens simples. Les seules personnes du show-biz que je fréquente réellement, ce sont des musiciens, des gens de la musique. Ces gens qui sont au pouvoir dans les chaînes sont sectaires et intolérants On n’a pas compris ta disparition de France Télévisions, alors que les audiences étaient bonnes… Cela n’a rien à voir avec l’audience, ce sont des combines de producteurs. Mais je ne me plains pas. Mon prochain livre va s’appeler « Un mal pour un bien » et je vais passer en revue, mais pas simplement dans ma vie, tout ce qui a été négatif et qui, finalement, s’est avéré positif. J’ai une amie qui a fait une fausse couche il y a quelques années, elle était désespérée et je lui ai dit : « Plus tard, quand tu auras un autre enfant, tu te diras que cela ne pouvait pas être un autre que celui-là. » Madame Delphine Ernotte (ndlr : la présidente de France Télévision) a voulu me faire du mal, mais en réalité elle m’a fait du bien, parce que je me sens encore plus libéré. La télévision m’a beaucoup plu, mais pas avec ces gens-là. J’ai eu la chance de faire de la télévision avec des gens qui avaient des valeurs et j’ai fait de la télévision pour ceux qui la regardent. Aujourd’hui, les gens font de la télévision par rapport à leurs goûts. Ces gens ont du mépris pour le peuple : pour eux, ce sont des blaireaux inintéressants et bêtes. Quand tu croises quelqu’un qui picole, avant de le traiter de vieux pochetron, il faut d’abord essayer de savoir pourquoi il est malheureux. Ces gens qui sont au pouvoir dans les chaînes sont sectaires et intolérants au possible, or ce sont aussi les premiers dans les manifestations pour expliquer la tolérance... Comme aurait pu dire Coluche, ils vendent de la tolérance, mais ils n’en ont aucun échantillon sur eux. Ce n’est pas mon monde. Quelles sont les personnalités qui t’ont marqué à la télévision ? À TF1, il y avait deux tauliers, Patrick Le Lay et Étienne Mougeotte. C’étaient des tueurs, mais j’avais en face de moi de vrais mecs et je me suis régalé avec eux. On s’est engueulé, mais les choses étaient claires : tu fais de l’audience, tu restes ; si tu n’en fais pas, tu t’en vas. Faire de l’audience, cela veut dire faire de la télévision pour ceux qui la regardent. Si tu fais de l’audience, c’est parce que les gens te choisissent. Maintenant, c’est une magouille énorme. On place les émissions en fonction des intérêts des producteurs amis, on place les émissions en fonction de ses propres idées politiques et, si les téléspectateurs n’aiment pas, on dit que ce sont des cons. Regarde les « Victoires de la musique », on a l’impression que la musique française c’est Benjamin Biolay et lamusique urbaine. Je n’ai rien contre eux, mais il n’y a pas que ça dans notre pays ! Les chaînes privées font ce qu’elles veulent, c’est le pognon du taulier, mais les chaînes publiques appartiennent à l’État, c’est différent. Un jour, je me suis engueulé avec quelqu’un du service public, parce qu’il voulait m’empêcher de travailler, et il m’a dit : « C’est moi qui te paye ! » Je lui ai répondu : « Ce n’est pas toi qui me payes, ce sont les téléspectateurs, c’est à eux que je dois quelque chose!» (Suite page 16) Patrick Sébastien : « On ne peut pas faire avancer les choses en faisant de la philosophie sur son portable. »
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