La Baule+

la baule+ Avril 2022 // 27 l’avenue face à la mer, tandis que d’autres peuvent évoquer un étier, avec tout l’impact que cela peut avoir sur la biodiversité… Absolument. C’est même parfois le champ de vision. Quand le terrain est plat, les espaces sont plus près. Quand il y a une colline, le champ de vision est forcément plus profond. On a beaucoup reproché à ces lois d’urbanisme de parfois mettre en cause le droit de la propriété. Qu’en pensez-vous ? C’est tout à fait exact. On retrouve cela dans les fameux plans locaux d’urbanisme qui fixent des règles de construction. Avec les plans d’occupation des sols, nous avions des règlements très détaillés qui étaient souvent mal perçus. Il faut que les élus locaux qui votent les règlements aient bien conscience qu’il ne s’agit pas simplement d’écrire une règle, car on rentre quand même dans la vie économique des entreprises, des agriculteurs et des habitants. À l’époque, il y avait 15 articles réglementaires et tout cela avait un impact sur notre vie quotidienne et la valeur foncière. Par exemple, sur la règle d’emprise au sol, cela part d’une bonne intention, puisque l’objectif est de garder l’espace de pleine terre perméable. Mais si l’emprise au sol est trop faible, lorsque quelqu’un veut une chambre supplémentaire pour loger ses enfants ou ses parents, on lui répond que ce n’est pas possible. Il faut justifier cette décision, car la personne ne comprend pas pourquoi on veut lui interdire cela. C’est la même chose pour les aménagements de combles. Si quelqu’un veut aménager ses combles pour faire son bureau, on lui répond parfois que ce n’est pas possible, parce que le règlement l’interdit, et la personne a du mal à comprendre cela. Il faut être très conscient, quand on fait un règlement, qu’il ne faut pas écrire de règles si l’on n’est pas capable de les expliquer et de les justifier. On comprend qu’un règlement d’urbanisme puisse avoir l’objectif d’éviter des volets de maisons avec des couleurs fantaisistes. Mais après, lorsque le texte dit qu’ils doivent être bleus, on découvre à la mairie que le bleu n’est pas exactement le bleu prévu. Là aussi, on n’est plus dans le bon sens… Avec l’expérience que j’ai aujourd’hui, avec le recul, je dis souvent que l’urbanisme n’est pas très compliqué : c’est 25 % de technique, 25 % d’imagination et de créativité, et 50 % de bon sens. Il y a eu tout un débat sur l’évolution du droit de l’urbanisme en disant qu’il ne fallait pas changer les règles pendant 5 ou 10 ans. Mais ce n’est pas possible, parce que la vie est telle qu’il faut que les règles puissent évoluer. Heureusement, il y a des procédures qui apportent la garantie d’une certaine transparence, avec des enquêtes publiques, et cela oblige aussi les communes à expliquer et à justifier leurs choix. En quelques années, on est passé d’un extrême à l’autre Évoquons le concept d’étalement urbain, qui est très politique. On nous a expliqué qu’il fallait arrêter l’étalement urbain, afin de protéger l’environnement, et que tout le monde devait vivre dans des appartements. La ministre du Logement a même déclaré il y a quelques mois que c’était un nonsens de vivre dans une maison individuelle... Pourtant, avec la crise sanitaire, ona vu que les Français étaient favorables à l’étalement urbain, puisqu’ils rêvent tous d’avoir une maison avec un petit jardin… Qu’en pensez-vous ? Le problème de notre pays, c’est que l’on passe souvent d’un excès à l’autre. Pendant des années, il y avait un schéma directeur en Île-deFrance, que les communes devaient respecter, et qui imposait des hectares de consommation d’espace. On était donc obligé de consommer un certain nombre d’hectares chaque année pour répondre aux besoins en matière de logement et de développement économique. En quelques années, on est passé d’un extrême à l’autre et, aujourd’hui, on vient nous dire qu’il ne faut plus consommer du tout ! Tout cela part d’une bonne intention car, avec l’étalement urbain, on a consommé sans discernement. C’était la solution de facilité. Aujourd’hui, on vient nous dire qu’il ne faut plus consommer avec le zéro artificialisation. Mais comment répondre aux besoins ? Il faut densifier, ce qui veut dire qu’il faut aller chercher des terrains dans les zones déjà urbanisées et ne plus faire de maisons, mais des immeubles. Ainsi, si l’on ne construit plus de maisons individuelles, la maison va devenir un produit rare, donc cher et, à terme, seules les catégories les plus aisées pourront habiter dans une maison individuelle, alors que les autres devront habiter dans des logements collectifs. L’autre enjeu important, pour nous tous, consiste à pouvoir répondre aux besoins futurs sans consommer d’espace. Comment va-t-on pouvoir expliquer à des propriétaires qui ont un grand jardin que l’on veut loger plus de monde en densifiant davantage ? Cela va demander beaucoup d’efforts. C’est quand même une atteinte à la propriété privée… Ledroit de l’urbanisme est, par définition, un encadrement de la propriété privée. On fait un procès à lamaison avec un jardin, parce que cela consomme de l’espace, mais on voit bien que les demandes actuelles portent sur des parcelles plus petites. Ce mode d’habitat, que l’on retrouve pratiquement dans le monde entier, a aussi des vertus en termes de bien-être. C’est un équilibre humain que d’avoir son potager et ses fleurs. Dans un colloque, il y a 25 ans, à Évry, il y avait tous les penseurs de l’urbanisme et le débat portait sur les lotissements. On a entendu un grand prix de l’urbanisme nous expliquer que les lotissements c’était l’enfer car les gens s’enfermaient à double tour, avec des chiens méchants, et qu’ils se tiraient dessus pour une place de stationnement… J’étais un urbaniste et, quelques jours plus tôt, j’étais dans une réunion où des habitants m’expliquaient que vivre dans un lotissement était un pur bonheur car les enfants pouvaient jouer dans la rue, les gens se recevaient les uns les autres et il y avait une solidarité entre les habitants... Vous voyez le décalage qu’il peut y avoir parfois entre une vision trop théorique et le vécu, qui, souvent, n’est pas la caricature que l’on veut nous présenter. Propos recueillis par Yannick Urrien.

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