la baule+ 26 // Avril 2022 Droit ► Le premier adjoint à la mairie de Batz-sur-Mer revient sur l’histoire du droit de l’urbanisme Bruno Schmit : « Le droit de l’urbanisme est, par définition, un encadrement de la propriété privée. » Bruno Schmit est premier adjoint et adjoint à l’urbanisme et à l’environnement à la mairie de atz-sur-Mer. Urbaniste de formation juridique, il bénéficie d’une solide expérience de l’application du droit de l’urbanisme acquise au sein d’équipes pluridisciplinaires dans des contextes géographiques très divers. Il vient de publier, avec Jocelyne Dubois-Maury, professeur émérite à l’université Paris-Est Créteil et ancienne directrice de l’École d’urbanisme de Paris, un livre consacré à l’histoire du droit de l’urbanisme. Quelle est aujourd’hui l’utilité du droit de l’urbanisme ? Au-delà de l’analyse, cet ouvrage dresse un bilan qui s’appuie sur le regard croisé de ses auteurs. Le regard d’une universitaire qui s’est attachée à rendre compte du « voulu » du législateur à travers l’étude d’une prolifération de textes juridiques. Le regard d’un praticien de l’urbanisme qui, sur le terrain, a été confronté à l’application du droit et à son « vécu », tant par les élus locaux que par les citoyens. Cet ouvrage est destiné aux étudiants, aux élus, aux professionnels et aux divers publics attentifs au devenir des villes et des territoires. « L’urbanisme et son droit. Du voulu au vécu : cinquante ans de politiques urbaines » de Jocelyne Dubois-Maury et Bruno Schmit est publié aux Presses Universitaires de Rennes. La Baule + : Tout le monde sait ce que signifie le droit de l’urbanisme, mais vous sous-titrez votre livre « Du voulu au vécu », ce qui laisse entendre qu’entre les intentions du législateur et le résultat, il y a une différence… Bruno Schmit : Pendant 25 ans, avec Jocelyne Dubois-Maury, nous avons donné des cours d’urbanisme à l’Institut d’urbanisme de Paris et nous nous sommes partagé les cours. Jocelyne Dubois-Maury, en tant qu’universitaire, expliquait les lois, avec les objectifs du législateur, alors que moi-même j’étais sur le terrain, puisque j’avais mon agence d’urbanisme. Quand nous avons cessé nos cours tous les deux, nous avons essayé de mettre tout cela sur le papier pour en faire profiter le maximum de professionnels et travailler sur le voulu et le vécu. Le droit de l’urbanisme est-il, comme d’autres secteurs, noyé sous les textes de loi ? Effectivement, c’est un droit récent et qui évolue rapidement en fonction des évolutions culturelles, sociales et politiques. Il y a eu la loi d’orientation foncière, qui était la grande loi fondatrice en 1967, qui a créé les outils que nous avons encore aujourd’hui, comme le plan d’occupation des sols, le schéma directeur et les zones d’aménagement concerté. Ensuite, il y a eu la grande époque de la décentralisation, après 1981, avec un transfert des compétences vers les communes. Il y a eu la fameuse loi SRU, dont tout le monde continue de parler. Plus récemment, on a eu les lois Grenelle et la toute dernière loi Climat. Le droit de l’urbanisme existe-t-il dans le monde entier ? C’est une question qui m’a souvent été posée par mes étudiants. Comme j’avais beaucoup d’étudiants étrangers, je leur retournais la question pour qu’ils m’expliquent comment le droit de l’urbanisme existait chez eux sous une forme ou une autre. Mais il y a encore des pays dans le monde où il n’y a pas du tout de droit de l’urbanisme. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’urbanisme, puisque les choses se font par l’initiative des uns et des autres et par le marché. L’État a estimé utile de créer un droit de la planification pour organiser les choses Cela ne signifie pas que les constructions se font n’importe comment, car il peut toujours y avoir un gouverneur local pour décréter quelle doit être la destination d’un terrain… C’est vrai, en France, le droit de l’urbanisme est assez récent, mais cela ne veut pas dire qu’auparavant les choses se passaient forcément très mal. Quand on traverse des villes, on s’aperçoit que l’urbanisation est récente aux portes des villes et, plus on avance, plus on traverse des époques différentes. Le centre historique est souvent le cœur de la ville ou du village, avec les constructions les plus anciennes. On observe donc que la ville se construit spontanément, en extension de l’existant. Les choses ont beaucoup changé avec l’industrialisation, au début du XXe siècle d’abord, avec des afflux massifs vers les villes. Il y a eu ensuite le développement des voitures, de l’électricité et des communications, ce qui fait que l’on a pu aller construire n’importe où, à la campagne comme à la ville. Et c’est à ce moment-là que l’État a estimé utile de créer un droit de la planification pour organiser les choses. Vous estimez, dans votre livre, que le droit de l’urbanisme repose très souvent sur des concepts flous ou subjectifs. Si les critères sont confus, il y a mécaniquement des embouteillages devant les tribunaux ensuite… Effectivement, le législateur veut parfois laisser aux collectivités locales une certaine marge d’application. Je vais prendre l’exemple de la loi Littoral, qui définit un critère de protection de ce que l’on appelle les espaces proches du rivage. Mais qu’est-ce qu’un espace proche du rivage ? En conséquence, ce sont les tribunaux qui ont défini au cas par cas ce que l’on doit considérer comme un espace proche du rivage. La difficulté des communes et des professionnels vient aussi de la fluctuation de la jurisprudence en fonction des époques et des régions. Aujourd’hui, un espace proche du rivage, cela peut être à 3 kilomètres de la côte, mais aussi à 20 kilomètres dans d’autres cas. Certains peuvent considérer que ce qui est proche du rivage, c’est simplement la dune ou
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