La Baule+

la baule+ 22 // Avril 2022 Comprendre le monde ► Le Cambodge, premier pays au monde à lancer sa cryptomonnaie Serey Chea, directrice de la Banque Nationale du Cambodge : « C’est unique au monde, car c’est la banque centrale qui établit un portefeuille électronique pour toute la population. » Le Cambodge vient de recevoir le prix Nikkei de la meilleure initiative financière de l’année 2021, pour la création de sa monnaie numérique : le Bakong. C’est l’occasion de mettre à l’honneur une femme d’influence dans le monde de la finance, Serey Chea, directrice de la Banque Nationale du Cambodge, qui est à l’origine de cette première. Le Cambodge est en effet le premier pays au monde à lancer sa cryptomonnaie en utilisant la technologie blockchain. Le Bakong se présente sous la forme d’une application mobile qui fonctionne comme un porte-monnaie numérique pour permettre aux Cambodgiens, bancarisés ou non, d’effectuer des paiements mobiles. Cela facilite le transfert d’argent des clients entre les banques et les institutions financières, et directement des clients aux commerçants, à des coûts sécurisés, en temps réel et réduit. Le gouvernement du Cambodge a fait de l’inclusion financière l’une de ses priorités. Aujourd’hui, 270 000 Cambodgiens utilisent au quotidien cette monnaie numérique et ces services ont atteint environ 7,9 millions de personnes, ce qui représente près de la moitié de la population du pays, qui s’élève à 16,7 millions d’habitants. À la fin de l’année 2021, 6,8 millions de transactions, d’une valeur d’environ 2,9 milliards de dollars, avaient été enregistrées par la Banque Nationale du Cambodge. À l’occasion de la Journée internationale de la femme, mardi 8 mars dernier, Yannick Urrien a décidé de mettre à l’honneur Serey Chea qui était en direct de Phnom Penh sur Kernews. La Baule + : Vous êtes francophone, puisque vous avez vécu en France une partie de votre jeunesse. Comment votre carrière a-telle évolué ? Comment avez-vous été recrutée par la Banque Nationale du Cambodge ? Serey Chea : Oui, j’ai étudié en France, de la sixième à la première et, après, j’ai fait ma terminale dans une école française à Singapour. Cependant, depuis, je n’ai pas beaucoup eu l’occasion de parler français et il est un peu rouillé… La terminale, dans le système français, se termine en juillet et je devais commencer mes études universitaires en Nouvelle-Zélande, qui commencent généralement en février. Donc, j’avais à peu près six mois de vacances. À ce moment-là, la Banque Nationale du Cambodge voulait quelqu’un qui parlait français, pour faire des traductions car, compte tenu de notre histoire avec la France, nous recevons beaucoup d’assistance et de la documentation en français de la Banque mondiale et du Fonds Monétaire International. Malheureusement, après la guerre, peu de gens parlaient français, c’était surtout l’anglais. Dans ce contexte, j’ai aidé la banque à faire des traductions. Cela m’a beaucoup plu et après mes études en Nouvelle-Zélande, je suis retournée à la Banque Nationale du Cambodge. Cela fait maintenant 21 ans que je travaille pour la Banque Nationale du Cambodge. Continuez-vous de vous cultiver en français ? Oui. Il m’arrive de voir des films français. Je préfère d’ailleurs les films français aux films américains, mais il n’est pas facile d’accéder à des films français au Cambodge. Je lis aussi en français, mais cela me demande plus d’efforts que de lire en anglais. Nous avons travaillé sur le système pendant deux ans et nous avons lancé le projet en 2020 Vous venez de recevoir le prix Nikkei de la meilleure initiative financière pour cette monnaie numérique qui s’appelle le Bakong : comment cette idée vous est-elle venue ? C’est arrivé par hasard, vers 2014, lorsque l’on a vu les cryptomonnaies se propager un peu partout dans le monde. À ce moment-là, la Banque Nationale du Cambodge a pris la décision de ne pas faire circuler les cryptomonnaies dans le pays. D’abord, parce que l’on ne savait pas ce que c’était. Beaucoup de gens investissaient sur ces instruments, sans savoir vraiment ce que c’était, et il y avait beaucoup de gens qui perdaient de l’argent, mais aussi des escrocs qui vendaient des fausses cryptomonnaies. Lorsque nous avons pris

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