La Baule+

4 // Février 2021 Politique ➤ Le journaliste dénonce les tyrannies inhérentes à l’épidémie Christophe Barbier : « L’angoisse a été organisée par l’administration et le pouvoir politique pour que les gens se tiennent à carreaux. Et cela a marché ! » C hristophe Barbier est jour- naliste politique. Ancien élève de l’École normale supé- rieure, il a été directeur de la ré- daction de L’Express et il est ac- tuellement éditorialiste politique pour BFMTV. Christophe Barbier est, par ailleurs, comédien et critique dramatique. Dans son dernier livre, il dénonce les excès de la stratégie sanitaire : « Nous avons préféré la sécurité des vieux à l’avenir des jeunes. Humanisme ou aveugle- ment, cet arbitrage aux apparences altruistes dissimule la dictature d’une génération dorée, celle des «baby-boomers ». L’épidémie cache aussi une guerre des générations. Face à toutes ces petites tyrannies, nous ne nous sommes pas révoltés, nous n’avons presque pas résisté, nous avons à peine râlé. Le moment est donc venu de réfléchir. » Chris- tophe Barbier était l’invité de Yan- nick Urrien sur Kernews. « Les tyrannies de l’épidémie » de Christophe Barbier est publié aux Éditions Fayard. La Baule + : Après avoir lu votre livre, j’ai pensé à cette phrase que répète souvent le député Charles de Courson, qui est évidemment inspirée par Boris Vian : « Nos petits-enfants iront cra- cher sur nos tombes quand ils découvriront les dettes qu’on leur aura laissées… » Christophe Barbier : On peut tout à fait comprendre cette réaction ! J’ai peur qu’ils ne viennent même plus sur nos tombes, parce que ceux qui l'auront pu seront partis à l’autre bout du monde face à la ruine économique qu’on leur laissera. Face à cette dette, il y a une bonne chance pour que de très nombreux jeunes partent faire leur vie ailleurs et se désolidarisent d’un pays qui n’aura pas su préserver leur avenir. Ceux qui ne déménageront pas ris- quent de démissionner, en se laissant aller dans un système d’assistanat avec les quelques sous qui resteront dans le système social. Il faut lutter contre le scénario du pire. Il faut espérer que l’on va trou- ver la méthode pour ne pas trop faire porter le fardeau sur les jeunes, pour ce qui est de la réparation de l’écono- mie et toute cette reconstruc- tion d’une puissance fran- çaise. C’est l’urgence pour maintenant et cela doit être au cœur de la présidentielle de 2022. Sinon, le retard pris sera fatal. En faisant ce travail du doute, on oblige la partie adverse à durcir ses arguments Pour beaucoup de Fran- çais, vous apparaissez comme un journaliste de l’establishment, c’est-à- dire proche du pouvoir. Or, votre livre révèle une pensée bien différente que l’on ne perçoit pas toujours via les médias institutionnels… Dans tous les domaines, il y a le risque que le bruit am- biant et dominant produise une pensée unique. Il faut toujours s’interroger sur le pourquoi de nos convictions. Est-ce nos convictions, ou est-ce la répétition de ce que l’on entend autour de soi ? Cela ne veut pas dire que la pensée unique ait toujours tort : parfois, il y a un sujet qui fait consensus et c’est bon pour l’intérêt collectif. Parfois, il faut douter. Pas forcément parce que l’on a raison - on ne saura que dans quelques années si l'on avait raison - mais en faisant ce travail du doute, on oblige la partie adverse à durcir ses ar- guments, à muscler sa dé- monstration et à ne pas nous entraîner sur la foi d’évi- dences mais sur la foi d’ar- guments. Pour cette épidé- mie, personne ne conteste que dans l’urgence, au mois de mars dernier, il fallait tout faire pour sauver des vies. Si l'on n’avait rien fait, on aurait eu 300 000 morts. Il faut, bien entendu, se congratuler d’avoir eu le réflexe d’arrêter l’économie pour sauver des vies. Maintenant, il faut avoir la lucidité de dire que cela a un coût élevé. Vous nous amenez à ré- fléchir sur ce discours que l’on entend de plus en plus : on gâche nos vies pour sauver des vies… Bien sûr, pour sauver des vies, on raisonne à court terme : évidemment, personne n’a envie de mourir et personne n’a envie de voir mourir ses proches ou des dizaines de milliers de gens. Mais ce rai-

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