La Baule+

la baule+ 32 // Avril 2023 On n’a pas eu le roi mais on a eu l’arène. Plutôt sanglante, l’arène. Des sauvageons lâchés dans la campagne des Deux Sèvres (dont celle de Monsieur Seguin, me souffle un esprit mal embouché qui n’a d’excuse que l’urgence qu’il y a à rire de ce qu’on est en train de faire de notre France pour ne pas se hâter d’en pleurer. (Remarquez, pleurer produisant de l’eau, ce serait toujours autant de pris pour prévenir les sécheresses annoncées.) Cette jeunesse donc, éprise d’escapade au grand air et de jeu de pétanque d’un genre nouveau, de parties de quilles sur cibles vivantes, avait donc, le temps d’un week-end, préféré déserter la grande ville, ses vitrines à casser, ses kiosques à ravager, ses voitures à incendier et ses policiers à caillasser. Sous doute, la puanteur des poubelles entassées, la concurrence des rats tout aussi nuisibles qu’eux-mêmes, les y avaient-elles incités. On peut les comprendre. Ou alors, dans un mouvement nourri d’un souci d’égalité qu’on ne peut que saluer bien bas, auront-ils voulu, ces jeunes gens, montrer que les forces urbaines de maintien de l’ordre - la police - ne devaient pas être seules à bénéficier de leur attention active, et que les mêmes forces, mais davantage dédiées à la ruralité - la gendarmerie - y avaient droit elles aussi, n’ayant nullement démérité à ce jour dans l’exercice de leurs missions. Du temps des Vieux de la Vieille et des dialogues d’Audiard, c’était pour la défense du Picon-Bière que la jeunesse se mobilisait. Un ou deux conflits de générations plus tard, ce fut au tour du gin-coca et de quelques autres casse-pattes savamment distillés par la société de consommation et sa noble campagne pour le bien être des générations présentes et futures de tenir le haut du comptoir. Aujourd’hui, ces sémillants et sémillantes activistes se cuirassent de noir et s’arment de lourd pour une croisade cent pour cent sans Humeur ► Le billet de Dominique Labarrière Histoire d’eau alcool. Étendard de la sobriété déployé, ils partent en guerre pour la préservation de l’eau. Il s’en faut de peu qu’on ne sorte le champagne, qu’on lève nos verres, qu’on applaudisse à tout rompre. Toute de même, au pays de Rabelais et de la Dive Bouteille, c’est un peu fort de café. On croit rêver ! Mais non ! On ne rêve pas. Tout ça pour ça, se désespère-t-on, incrédule. La castagne grand format pour de l’eau. L’eau claire, la flotte. Le liquide incolore, inodore, à quoi nulle ivresse jamais ne fut redevable ! C’est alors qu’on passe du rêve au cauchemar. S’il fallait un signe d’entrée en décadence de notre civilisation, nous le tenons là, n’en doutons pas. Blondin et son Singe en Hiver ne s’en remettraient pas. Ils ne seraient pas les seuls. Il faudrait bâtir un Panthéon géant en forme de barrique du côté de Sancerre, de Bourgueil, de Meursault, de Saint-Emilion pour y inhumer tous ceux, fins buveurs, soiffards de belle tenue, qui auront eu la chance de passer la bouteille à gauche avant d’avoir connu un moment pareil. Le pire est que le Ciel s’y met, lui aussi, à ce qu’il paraît, unissant Sainte-Soline et Saint-Gaudérique dans une alliance objective des plus navrantes. Pour les hauts faits de Sainte Soline, il n’est pas besoin de s’étendre. On sait. En revanche, pour Saint-Gaudérique, peut-être convient-il de préciser la chose. Cela se passe le 18 mars dernier, du côté de Perpignan. La sécheresse sévit depuis longtemps, bien trop longtemps. On touche le fond. On observe le ciel à l’affût du moindre cumulonimbus, on guette l’averse salvatrice, celle qui donnerait à Brassens la coquine opportunité d’échanger un coin de paradis contre un coin de parapluie. Mais non. Rien de rien. Alors, comme toujours, quand aujourd’hui déchante et que demain désespère, on se tourne vers hier. Hier, lorsqu’en pareille détresse on s’en remettait au saint-patron des agriculteurs, Saint-Gaudérique donc, pour faire pleuvoir sur les champs et les pâturages, les vignes et les épis. De pieuses âmes, fortes d’épaules également, s’empressent d’aller chercher les saintes reliques et la statue du bienfaiteur. Une procession se met bientôt en marche dans la ferveur et l’espérance. Et voilà bien que, peu après, on assiste au prodige : la pluie tombe. Certes la grenouille malicieuse des météorologistes l’avait un peu annoncée, mais en bien moins grande profusion. Or, là, c’est la pluie d’abondance, la vraie de vraie, la sainte pluie. Tant et si bien qu’on se demande pourquoi les croisés de Sainte-Soline ne recourent pas à la même pratique pour sauver ce qu’il y a à sauver. Et garder les boules de pétanque pour le jeu du même nom, agrémenté, évidemment, de l’anisette de rigueur. Sans eau désormais, cela va de soi. Nouveaux horaires : Labarrière en liberté sur Kernews En direct du lundi au vendredi entre 7h20 et 8h00 Rediffusion des émissions de la semaine le samedi entre 8h et 11h

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