La Baule+

la baule+ 36 // Décembre 2022 La Baule + : Vous n’êtes pas simplement un comédien, auteur ou réalisateur, mais aussi un sociologue parce que, souvent, dans vos films, on trouve une photographie de la société, comme vous avez su décrire les années Tapie, la crise économique ou la guerre dans les Balkans. Aujourd’hui, on est dans l’altruisme et dans l’écoute de l’autre, c’est ce qu’il faut peut-être retenir du « Petit Piaf »… Gérard Jugnot : En tout cas, c’est ce que je ressens. C’est une curieuse histoire. Le producteur Marc Étienne Schwartz me téléphone en me proposant de faire une apparition dans un film. Je lis le sujet, que j’estime assez beau. Je pense qu’il faut développer le scénario et, de fil en aiguille, je me retrouve à prendre les rênes du projet. J’aime bien mettre ma petite graine au départ, même si je n’écris pas tout, mais j’ai vraiment adopté ce film. J’essaie de le faire grandir et je suis assez content, parce que c’est un film doux qui parle de choses qui ne sont pas forcément faciles. Ce sont deux enfants dans la rue, leurs familles ne sont pas des gens qui nagent dans l’opulence. Ces Français qui sont à découvert le 15 du mois… Oui, mais ils sont à La Réunion. Ce nom est très beau. C’est une région que j’adore, avec un mélange de jaunes, de blancs, de noirs, de marrons, cela vient de partout… Cinéma ► L’acteur, scénariste et producteur présente son nouveau film Gérard Jugnot : « J’essaie de faire un cinéma qui nous fait voir la vie en mieux. » C’est le 21 décembre prochain que le nouveau film de Gérard Jugnot, « Le Petit Piaf », sortira dans les salles de cinéma. L’histoire se déroule dans un village de La Réunion où le jeune Nelson, dix ans, rêve de devenir un grand chanteur et ainsi de rendre fière sa mère qui l’élève seule. Après avoir postulé à l’émission télévisée Star Kids avec ses amis Mia et Zizou, ils décident de trouver un coach pour préparer son concours. Par chance, Pierre Leroy (Marc Lavoine), chanteur célèbre à la carrière en berne, est en tournée sur l’île… Gérard Jugnot nous présente son nouveau film. Quand je faisais mon casting, je demandais les origines des comédiens. L’un était normand, avec sa maman malgache et son grandpère africain, un autre venait d’Inde. J’ai aussi essayé de mettre cela dans le film. Il y a la musique qui adoucit les mœurs et la magie de ces enfants, dont le petit Soan qui est vraiment une machine à chanter. J’avais aussi envie de diriger Marc Lavoine, avec qui je n’ai jamais travaillé. Donc, le résultat est assez magique. C’est la première fois que j’ai un second rôle. D’habitude, je suis toujours à la manœuvre. C’est une photographie de la France des années 2020. J’essaie de faire un cinéma qui nous fait voir la vie en mieux. J’essaie toujours d’avoir de la bienveillance, car c’est de cette manière que l’on avance. Mes films traitent beaucoup de la transmission En résumé, ce film raconte l’histoire d’un chanteur qui a connu un ou deux succès dans sa vie. C’est une vedette des années 80. Il fait des soirées dans un hôtel quatre étoiles à La Réunion pour payer ses vacances. Il est accosté par cet enfant, qu’il rejette au début. Mais au fur et à mesure, il se met à le coacher… Ce qui m’a plu, c’est la filiation, c’est l’adoption. Mes films traitent beaucoup de la transmission et comment la vie peut vous guérir du mal de vivre. Dans le film, le personnage de Marc Lavoine est vraiment à la ramasse. Il a eu une petite heure de gloire, mais il a perdu l’inspiration. Comme il se retrouve obligé de faire ce métier de coach, il va recouvrer l’envie de chanter, surtout l’inspiration, et il va adopter ces mômes. Il va y avoir une transmission et, comme dans toutes les transmissions, cela ne se fait pas dans un sens. Il va aussi apprendre des autres et c’est ce qui est vraiment très joli dans le projet. Évoquons votre rôle de directeur d’un hôtel quatre étoiles mal entretenu. C’est un métropolitain qui s’accroche à sa PME de province qui bat de l’aile, mais il a envie de se battre pour continuer de payer les salaires de ses employés. C’est aussi ce que l’on observe dans toute la France avec des petits patrons qui se battent au quotidien… Le personnage est assez joli. C’est un petit bonhomme qui s’accroche à son entreprise. L’hôtel a été fondé par ses grands-parents et rien ne fonctionne. C’est quelque chose qui m’interpelle en ce moment. On porte aux nues des influenceurs qui sont à Dubaï et qui gagnent 300 000 € par mois, en montrant leurs tatouages et leurs montres. On va les adorer avec des millions de «like » et, pendant ce temps, on va traiter un chef d’entreprise d’exploiteur alors qu’il fait vivre des gens sans gagner beaucoup d’argent. J’ai toujours été l’homme du milieu, car je trouve que la vérité n’est jamais aux extrêmes, mais toujours au milieu. J’ai toujours beaucoup de tendresse pour ceux qui se battent pour garder leur dignité. C’est très important la dignité, c’est le fait de pouvoir se regarder dans une glace le matin. Un film, c’est une PME à gérer : il faut gérer les ego, les acteurs, les techniciens, les difficultés, la météo… Je soupçonne que ce rôle n’a pas été très difficile à endosser, parce que c’est au fond de vous… C’est vrai. Je suis coproducteur de mes films, on m’appelle maintenant le coach... Le succès d’un film, c’est une centaine de personnes, même si l’on met son nom en gros. Ce patron d’hôtel, c’est aussi mon rôle dans la production d’un film. Résoudre les problèmes, faire en sorte que les gens soient bien... Un tournage, ce n’est jamais simple.

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